Par Michel Rousseau, président de la Fondation Concorde
Le gouvernement a entamé la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim (Haut-Rhin), avec la mise à l’arrêt de son premier réacteur dans la nuit du 21 au 22 février. Cette centrale est peut-être la plus sûre de France tant elle a intégré les dispositifs de sûreté post-Fukushima. Elle est également la plus compétitive et la mieux placée sur le réseau de transport d’électricité, au point de jonction des réseaux électriques français et allemands.
Les Français vont payer cette fermeture par un surcroît d’impôt, ils vont payer plus cher leur électricité. Pour la remplacer, nous allons devoir faire fonctionner la centrale à charbon de Cordemais (Loire-Atlantique) plus longtemps, jusqu’en 2026 au maximum et recourir davantage aux centrales à charbon allemandes soit 6 à 12 millions de tonnes de CO2 supplémentaires par an et plus de pollutions dans notre atmosphère ! Ce désastre écologique et économique est imputable à notre «transition énergétique» qui vise avant tout à remplacer l’électricité nucléaire par l’électricité renouvelable.
Retour à la rationalité
Le récent rapport de la Commission d’enquête parlementaire sur «l’impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l’acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique» fait
pourtant la lumière sur son échec. «Remplacer l’énergie nucléaire par les énergies renouvelables électriques n’a pas d’effet sur la lutte contre le changement climatique. Il faut le dire, l’affirmer, car nos concitoyens ne le savent pas», selon sa rapporteure Marjolaine Meynier-Millefert, députée LREM de l’Isère
Ce constat de l’inutilité du remplacement de l’électricité nucléaire par l’électricité renouvelable par une commission parlementaire transpartisane constitue une réelle avancée, un retour au réel et à la rationalité qu’il faut saluer et à partir duquel il faut construire une transition climatique qui donne la priorité à la diminution du recours aux énergies fossiles, émettrices de CO2.
Le rapport parlementaire est riche d’enseignements quant à l’irrationalité économique et technique de notre transition énergétique. On peut notamment y lire que «Les Français ne peuvent plus consentir à un effort fiscal aveugle. Ils ne peuvent plus accepter que les milliards d’euros investis dans la transition énergétique ne soient pas transparents, justifiés et rationnels ainsi que parfaitement efficients » ou encore que «l’incertitude quant à la viabilité d’une production d’électricité basée sur les énergies renouvelables intermittentes n’est pas levée».
Ou encore : «A la variabilité de la demande électrique liée aux usages vient donc s’ajouter (ou plutôt se retrancher) la variabilité de la production liée à l’ensoleillement et au vent. Cet empilement de variables est-il soutenable pour l’équilibre du réseau ?»
Un bilan affligeant
Peut-on avec ces constats de la commission d’enquête continuer à investir des sommes aussi considérables dans le développement des énergies électriques renouvelables intermittentes pour remplacer des centrales nucléaires en parfait état de fonctionnement avec les risques de «black-out» ou de devoir construire dans l’urgence des centrales électriques au gaz et cela sans aucune utilité pour le climat et avec un coût au-dessus des moyens des Français ?
Au total, le bilan économique et social de notre transition énergétique est affligeant. Si nous n’avions rien fait, c’est-à-dire si nous nous étions contentés de maintenir le parc nucléaire et de ne pas développer les énergies renouvelables inutilement et à grands frais, les prix de l’énergie seraient restés presque constants pour les citoyens et les entreprises françaises. Le pouvoir d’achat des Français aurait augmenté de 0,17 % par an (Natixis flashéconomie 209 du 18/02/2020) et notre industrie serait beaucoup plus florissante, notre balance commerciale équilibrée avec à la clé 510.000 emplois supplémentaires dans nos territoires.
Du reste, notre consommation d’énergie se reporterait naturellement vers notre électricité décarbonée moins chère. Sans compter que nos paysages, notre bien commun le plus précieux, seraient préservés.
Prolonger la vie du parc nucléaire
Nous devons mettre un terme à cette transition énergétique contre-productive et mettre en œuvre une transition climatique rationnelle qui donne clairement la priorité à la
réduction de nos émissions de CO2 en particulier en relançant la taxe carbone, mais en contrepartie en baissant les taxes sur les énergies décarbonées, pour au final un prix moins cher de l’électricité.
Il faudrait également instaurer une taxe carbone aux frontières de l’Union européenne et continuer de faire fonctionner le plus longtemps possible le parc nucléaire existant qui fournit une électricité décarbonée et pilotable à un prix imbattable. Il constitue un actif irremplaçable ou très difficile à remplacer…
Inspirons-nous du régulateur américain qui vient d’autoriser la centrale nucléaire de Turkey Point à fonctionner jusqu’à 80 ans. Revenons aussi sur la Programmation pluriannuelle de l’énergie et la décision injustifiable de fermer prématurément 14 réacteurs nucléaires d’ici 2035, à un coût déraisonnable pour les Français. Et stoppons enfin tous les dispositifs d’aide aux productions renouvelables. Les éléments de vérité et le bon sens doivent reprendre leurs droits dans notre pays
Publiée dans les Echos, le 24 février 2020