Interdire l'usage professionnel du glyphosate serait un choix politique absurde qui aurait un impact considérable sur une profession déjà particulièrement éprouvée : les agriculteurs.

Un des écueils majeurs des choix publics est que la logique du politique n'est pas toujours celle des acteurs de la société. Responsable, au moins devant le tribunal de l'opinion, des conséquences de ses décisions, il cherche à éviter d'être pris en faute et veut en limiter le risque. C'est pourquoi il préfère "se couvrir", même si le prix de sa tranquillité est l'étouffement de l'économie. Pour adapter une sentence fameuse, on pourrait dire qu'une forêt qui est empêchée de pousser fait moins de bruit qu'un arbre qui risque de tomber.

Nous courons aujourd'hui le risque d'un de ces choix absurdes qui aurait un impact considérable sur une profession déjà particulièrement éprouvée – les agriculteurs – avec la menace d'interdiction du glyphosate, herbicide utilisé depuis 40 ans et dont l'innocuité a été confirmée à chaque renouvellement de son autorisation de mise sur le marché.

Les avis des agences sanitaires européenne et française (l'EFSA et l'ANSES), confirmés tout récemment par celui de l'ECHA (agence européenne des produits chimiques) montrent que le glyphosate est non cancérogène et que, dans le respect des bonnes pratiques, son utilisation est sans risque pour la santé publique.

C'était sans compter sur le zèle de nos ministres de l'Environnement et de la Santé qui, depuis le Grenelle de l'environnement, mais bien plus encore depuis 2012, ont fait du principe de sur-précaution leur seule boussole. Prenant prétexte d'un article publié dans The Lancet (revue médicale britannique), qui plaçait le glyphosate dans une liste de cancérogènes "probables" (comme elle le fit pour la viande rouge ou la charcuterie), le ministère de l'Environnement, en dépit de l'avis favorable du ministère de l'Agriculture, a lancé la croisade d'une interdiction européenne du glyphosate. Le renouvellement pour 15 ans de l'autorisation de mise sur le marché qui aurait dû être accordé en 2016 a ainsi été repoussé à fin 2017.

Tout en agissant pour une interdiction au plan européen sans attendre l'avis complémentaire demander à l'ECHA qui a été rendu récemment, la France a interdit toute utilisation du glyphosate par les particuliers et dans les espaces publics. Nos dirigeants ont-ils bien réfléchi à l'impact qu'une interdiction totale de cette molécule (dont ils semblent hélas capables, contre toutes les évidences scientifiques) aurait sur notre économie agricole ?

Le glyphosate est le seul herbicide utilisable pour de nombreuses cultures, en particulier les céréales ; son interdiction provoquerait une impasse technologique majeure puisqu'il n'existe pas de substitut à ce jour ; elle priverait les agriculteurs européens et eux seuls d'un indispensable produit de protection des cultures, avec des conséquences importantes sur les rendements, mais aussi un risque sanitaire non négligeable, le désherbage des graminées adventices étant le principal moyen de lutte contre l'ergot de seigle, toxique pour le bétail et pour l'homme.

La SNCF elle-même se trouverait devant un problème majeur si elle devait dans un proche avenir renoncer brusquement au glyphosate qui désherbe les voies : explosion des coûts d'entretien et désorganisation grave du trafic ferroviaire en résulteraient.

Après l'avis rassurant de l'ECHA, une position raisonnable de l'Europe est probable, mais il faudra veiller à ce que la France ne s'isole pas une fois de plus dans une position démagogique. La réaction de la ministre d'alors, Ségolène Royal, qui a condamné (!) la décision de l'ECHA de ne pas classer le glyphosate parmi les produits cancérogènes fait craindre le pire en matière d'obscurantisme.

Un climat de défiance vis-à-vis des chercheurs et des technologies s'est installé

Il est encore trop tôt pour connaître la ligne du ministre Nicolas Hulot, mais on ne peut qu'espérer qu'elle soit plus mesurée. Le principe de précaution est devenu un principe d'inaction, d'immobilisme et même de régression, fondé sur l'émotion et l'exploitation des peurs et non sur l'analyse, l'expérimentation et l'observation scientifique.

Un climat de défiance vis-à-vis des chercheurs et des technologies s'est installé, doublé d'une confiance aveugle dans les affirmations des professionnels de la peur qui jugent que leur idéologie catastrophiste vaut mieux que la science. Le mot science lui-même est devenu suspect, le mot progrès tabou.

Nos décisions publiques sont trop souvent prises sous l'influence de la démagogie

Nos décisions publiques sont trop souvent prises sous l'influence de la démagogie, au mépris de l'avis des chercheurs que l'administration a elle-même sollicités, au risque d'exclure notre pays de toute avancée dans le domaine agricole. La France multiplie ses handicaps à plaisir : par exemple, parmi les produits qui permettent de lutter contre les maladies du riz et ses ravageurs dans les trois seuls pays producteurs de riz en Europe, 21 sont autorisés en Italie, 18 en Espagne et seulement 5 en France !

L'intérêt économique de nombreuses filières, pourtant exportatrices, passe trop souvent après celui de nos responsables politiques désirant éviter les foudres d'associations spécialistes de la propagande précautionniste. Certaines filières sont privées de solutions techniques, la règlementation interdisant les produits de protection des plantes, mais aussi les progrès génétiques qui, en rendant celles-ci plus résistantes, permettraient de moins les utiliser ! L'impact de ces régressions volontaires menace, à terme, notre indépendance alimentaire. Nous pouvons vraiment nous demander qui veut tuer l'agriculture française.

 

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