Principal mode de mobilisation des énergies renouvelables, l'électricité joue un rôle clef dans la lutte contre le changement climatique. Pour cela, la production d'électricité doit devenir totalement décarbonée – la France figure parmi les bons élèves en émettant en moyenne 40 grammes de CO2 par KWh d'électricité produite contre 430 grammes en Allemagne – et l'ensemble des usages énergétiques doit se convertir à cette électricité décarbonée.

Pour respecter les engagements pris durant la COP21, la France devrait logiquement augmenter l'utilisation de l'électricité pour le chauffage des locaux résidentiels et tertiaires qui représente la troisième source d'émission de CO2. Pourtant, le ministère de l'Environnement, de l'Energie et de la Mer et le ministère du Logement et de l'Habitat durable travaillent à l'élaboration d'une nouvelle réglementation thermique (RE 2018) qui aura pour effet de défavoriser l'électricité pour le chauffage.

Cette réglementation, qui s'appliquera aux opérations de construction de bâtiments neufs en 2018 se calque sur la réglementation en cours depuis 2012. Or, la RT 2012 basée sur un raisonnement biaisé empreint d'idéologie, n'intègre pas la notion d'émission de CO2 et aboutit in fine à favoriser les énergies fossiles, soit l'inverse des objectifs recherchés ! En effet, la consommation énergétique est calculée sur la base d'un coefficient qui comptabilise l'énergie primaire utilisée pour obtenir l'énergie finale. Pour les énergies utilisables en tant que telles par l'homme comme le fioul ou le gaz par exemple, le ratio est de 1.

En revanche, pour la production d'électricité, ce ratio, calculé arbitrairement puisque l'électricité n'existe pas à l'état naturel, est de 2,58. Cela signifie qu'un logement qui consomme 40 KWh de fioul, sera réputé en consommer 40 (le ratio étant de 1) et qu'un logement qui consomme 40 KWh d'électricité par m² sera réputé en consommer 100 KWh (40 × 2,58). L'application de ce coefficient, combinée à l'obligation faite par la même RT 2012 de ne pas dépasser les 50 KWh/m2/an, a pour conséquence l'éviction quasi complète de l'électricité pour la construction neuve. Cette réglementation a eu pour conséquence de faire chuter la part de l'électricité dans le chauffage des nouveaux bâtiments collectifs construits de 70 % à 10 %. Si, au contraire, on tenait compte des émissions de CO2, l'électricité peu carbonée produite en France ferait la course en tête ! En effet, un KWh d'électricité produite en France (avec un mix reposant à 75 % sur le nucléaire et 15 % sur les énergies renouvelables) émet 6 fois moins de CO2 qu'un KWh de gaz et 8 fois moins qu'un KWh de fioul domestique.

 

La Fondation Concorde préconise donc de donner clairement la priorité au critère CO2 sur le critère volume de consommation en énergie primaire. La future réglementation thermique doit également reconsidérer la place d'appareils comme le chauffe-eau à accumulation qui a été banni des logements et qui, à l'heure actuelle, est le moyen de stockage le plus économique qui existe. En France, leur puissance totale est 4 fois supérieure aux stations hydrauliques de pompage et 2 fois supérieure à la puissance éolienne actuelle. Nous disposons là d'un potentiel de stockage exceptionnel – à condition qu'il soit piloté – qui sera nécessaire au développement compétitif des énergies renouvelables intermittentes.

Le projet de nouvelle réglementation thermique prévue pour 2018 ainsi que la réglementation pour la rénovation des bâtiments doivent clairement donner la priorité à l'électricité pour le chauffage des locaux, dans la perspective d'une électricité de demain décarbonée à 100 % et contenant une part d'énergie renouvelable conséquente.

Cette réglementation serait ainsi cohérente avec les objectifs d'émissions de GES et valoriserait les efforts coûteux entrepris pour développer la production d'électricité basée sur les énergies renouvelables.

 

Michel Rousseau

Michel Rousseau est économiste et universitaire. En 1997 il a fondé la Fondation Concorde qu'il préside encore aujourd'hui.

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